C’était en mai 1968, la France traversait sa dernière révolution du siècle, l’Allemagne avait une industrie en plein essor. De ses ateliers sortit un autocar rutilant qui fut acheminé dans notre patrie. Il parcourut de nombreux kilomètres et transporta beaucoup de passagers.
Après de bons et loyaux services, il fut repris par un passionné de voyage… qui le transforma en camping car. Sous cette forme il connut plusieurs propriétaires, et depuis 2005 je suis le dernier acquéreur .
Ce fut le début d’une belle aventure. La première année fut consacré à la préparation du véhicule pour l’expertise et à l’examen du permis poids lourd. Période de dur labeur, des travaux mécaniques et de carrosserie assez conséquents… 60 mètres de longerons sous châssis à poncer avec application de trois couches de peinture… Bref, beaucoup d’occasions de faire des projets de voyage, de rêver et d’imaginer aussi un camp avec des résidents.
Le grand jour arriva enfin, premières sorties et grandes satisfactions. Naturellement, mes collègues étant au courant de mon passe temps, arriva rapidement le moment d’organiser une petite réception pour fêter l’évènement tant attendu. Le printemps venu, collègues et résidents furent conviés à visiter cet objet de curiosité. Journée ensoleillée, agrémentée du chant des oiseaux, le véhicule prit place sur le parking de la Fondation. Les boissons fraîches sortirent du frigo et tout le monde trinqua à la santé de cette première étape.
Tout le monde….? Enfin presque, certes chacun put se désaltérer et picorer à discrétion , mais pour la plupart des résidents, l’ascension dans le véhicule fut un obstacle majeur.
Trois misérables petites marches – moins d’un mètre de hauteur à gravir – et voila une partie des rêves qui s’évanouissent. .. Première déception… l’accessibilité à ce type de véhicule est réservée aux personnes ayant une bonne agilité . Évidemment, j’imaginais bien qu’une chaise roulante poserait quelques problèmes, mais de là à devoir considérer que seulement deux résidents pourraient – avec une aide rapprochée – se hisser dans le véhicule… Il y a un obstacle que je n’avais pas su percevoir.
Ce moment Convivial passé, chacun repartit vers ses occupations et le camping-car commença une nouvelle saison de voyages. Je pourrais ainsi vous conter de nombreuses anecdotes relatant les périples en famille ou avec des amis, mais ce n’est pas le propos de ces quelques lignes.
l’histoire pourrait donc s’arrêter là. Constat d’une réalité quotidienne pour les personnes en situations de handicap. Pour eux une multitude d’activités sont inaccessibles, celle de ne pas pouvoir utiliser les services d’un camping-car n’est qu’une embûche parmi d’autres. Un obstacle supplémentaire faisant partie de leur cheminement habituel.
Cependant, cette anecdote pose la question du sens du handicap. En définitive, où se situe réellement le problème? Est-ce la déficience individuelle qui place les personnes en situation de handicap ? Ou est -ce le véhicule qui n’est pas compatible pour des personnes à mobilité réduite?
En effet, si j’observe l’ensemble des déplacements réalisés par les résidents de la Fondation, je constate que la plupart voyagent comme tout un chacun. Parfois une aide est nécessaire pour l’utilisation des transports en commun, particulièrement pour les repères spatio-temporel, mais l’utilisation d’une voiture en tant que passager n’est pas un problème majeur en soi.
Dès lors, il s’agit bien de considérer que la difficulté réside dans « l’outil » qui n’est pas adapté pour les personnes à mobilité réduite.
C’est le camping-car qui est « handicapé » et c’est par cette conception de la réalité qu’il faut repenser la situation.
Ce nouveau paradigme faisant ainsi petit à petit son chemin, le projet d’aménagement d’un camping-car pour des personnes en situation de handicap devint une évidence. L’idée étant de permettre à toutes personnes en situation de handicap (infirmité motrice, handicap mental, personnes utilisant des moyens auxiliaires pour se déplacer, séniors, etc) de pouvoir bénéficier d’une possibilité de déplacement et de séjour dans un environnement adapté à leurs situations. Ceci en minimisant les transferts tout en optimisant les conditions d’accueil.
Le dire c’est une chose, le faire c’en est une autre !!
A priori la solution la plus simple consisterai à aménager le véhicule tel qu’il est actuellement pour l’adapter aux personnes à mobilité réduite. Toutefois une estimation plus approfondie de la situation démontre que cette alternative représenterait un investissement beaucoup trop important. En effet, il faudrait presque tout démonter et reconstruire l’aménagement intérieur, ceci sans pour autant résoudre la question de l’accessibilité au véhicule.
Dès lors, partir à neuf reste la meilleure garantie d’obtenir un résultat satisfaisant répondant aux critères nécessaires permettant d’accueillir des personnes en situation de handicap dans des conditions adéquates.
